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puyer, et pour ainsi dire de légitimer, l’énormité des prétentions qu’il allait émettre, et les dures conditions qu’il se préparait à faire connaître. Il reprit, comme à l’appui de ce qu’avait dit de Moltke :

— Oui, l’Allemagne a bien souffert, autant sinon plus que la France. Elle a supporté des sacrifices sans nombre. Toute sa population valide a dû prendre les armes devant la résistance énergique de son ennemie. Notre victoire a été bien chèrement acquise… Aussi, reprit-il, après avoir pris un temps, comme on dit au théâtre, lorsque le comédien doit lancer une réplique à effet et d’importance décisive, la nation allemande exige que la France répare, autant qu’il sera en son pouvoir, tout le mal qu’elle lui a causé, en lui déclarant, sans motifs, une guerre dont on devait prévoir toutes les calamités…

L’impudent chancelier, le provocateur de cette guerre, dont il avait machiné le piège et qu’il rendit inévitable par une dépêché fabriquée, ayant ainsi préparé ses voies, indiqué ses exigences exorbitantes, aborda les premiers termes de l’armistice en vue.

La discussion fut longue, et Jules Favre dut revenir à Paris conférer avec ses collègues, pour retourner ensuite à Versailles achever la délibération, et conclure les termes de l’armistice.

Quand les conditions débattues avec opiniâtreté, de part et d’autre, furent enfin arrêtées, Bismarck tendit la main à Jules Favre, et lui dit :

— « Je suis heureux, monsieur, de rendre hommage à votre caractère. Vous avez, au milieu des revers qui frappaient votre patrie, toujours eu des paroles patriotiques, des espérances et des illusions bien légitimes. Je ne forme plus qu’un souhait, c’est que l’Allemagne et la France, oubliant le passé, se réconcilient pour toujours, car de l’union