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sentant de la France qui s’inclina. L’empereur lui adressa aussitôt ta parole :

« Avant tout, monsieur, permettez-moi de vous présent l’expression de mon admiration pour la défense héroïque de Paris et pour la vaillance de son armée. Dans le dernier combat surtout vos troupes improvisées ont étonné les nôtres, par leur entrain et leur solidité. »

Jules Favre reçut ce compliment par une nouvelle inclinaison, plus profonde, et relevant sa tête expressive, la visage attristé, la voix grave et lente, tenant les bras croisés sur sa poitrine, dans une attitude digne qui lui était familière à la barre, il répondit :

— Sire, ces troupes improvisées étaient pour la plupart formées d’époux, de pères de famille, de jeunes gens et d’hommes déjà vieux, qui combattaient pour leurs foyers, pour leurs familles. Beaucoup sont tombés. Que de veuves et d’orphelins !…

Jules Favre s’arrêta. Il avait déjà compris que cet apitoiement peu adroit sur les deuils que la guerre amène allait fournir un argument aux impitoyables vainqueurs.

Le plus haineux de nos ennemis, le danois de Moltke, prit aussi la parole :

— L’Allemagne, monsieur, compte vingt fois plus de veuves et d’orphelins que la France, dit-il d’un ton sec. L’Allemagne a plus souffert que la France de cette guerre terrible. C’est une bien amère constatation pour vous, sans doute, mais vous nous avez fait bien du mal. Nous avons du reste tous fait notre devoir. La France ne sort pas humiliée de cette lutte. L’Europe proclame déjà que la famine seule a fait tomber les armes des mains des défenseurs de Paris.

Jules Favre salua et ne répondit rien. Un silence s’établit. Bismarck alors s’avança, heureux de l’occasion d’ap-