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déroute, affaiblies, démoralisées, et que l’espoir de les joindre, la fameuse trouée, devenaient de plus en plus chimériques. Une sortie, comme celle du 19 janvier, eût-elle un résultat tout différent, eût-on gagné une seconde bataille de Buzenval, serait-on parvenu à franchir les défenses, redoutes, tranchées, abattis de bois, derrière lesquels les Prussiens s’étaient retranchés autour de Paris, qu’on se serait trouvé dans la nécessité de livrer bataille en rase campagne, c’est-à-dire avec toutes les chances d’être écrasé, sans aucun espoir d’être secouru, ni de pouvoir se replier sous les forts. Pour Paris, la résistance semblait donc avoir atteint son terme.

Gambetta cependant espérait toujours, et ne parlait pas de cesser la guerre. Il s’efforçait, au contraire, de reconstituer l’armée de la Loire ; il appelait, préparait de nouveaux renforts pour le général Chanzy. Cette indomptable énergie, dont Gambetta faisait montre en ce moment critique, donnait de l’ombrage et de l’inquiétude à ses collègues de Paris. Ils essayèrent de le décourager et de prémunir l’opinion contre la persistance qu’il montrait à vouloir, malgré tout, malgré eux surtout, continuer la lutte qu’ils avaient de cœur, et même de fait, abandonnée. Ils firent paraître, dans ce but, la perfide et tendancieuse note suivante, que les journaux amis s’empressèrent de reproduire :

Les personnes qui ont été ces derniers jours en rapport avec l’état-major prussien (quelles personnes ? l’espion officiel Washburne, ministre des États-Unis, ou les officiers parlementaires, charges de négocier la suspension d’armes de deux heures pour enlever les morts et relever les blessés, le lendemain de Buzenval ?) affirment que les derniers événements militaires auraient porté, en province, les esprits les plus décidés à la résistance à comprendre la nécessité d’un armistice. M. Gambetta et les membres du gouvernement délégués à Bordeaux auraient, dit-on, eux-mêmes ouvert des négociations à cet effet.