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peindre l’effet de ces paroles… Paris à son lever n’ayant même pas son rationnement de 300 grammes par adulte. On fit, on refit les calculs, on repassa les états, la sentence était irrévocable… le ministère de la Guerre consentit à laisser entamer les réserves qui étaient destinées à nourrir son armée, et à prolonger de deux ou trois jours le délai pendant lequel il fallait faire vivre Paris pour le ravitailler…

(Jules Favre, le Gouvernement de la Défense Nationale, du 31 octobre au 28 janvier.)

Il n’y avait donc plus qu’à faire passer dans les faits la capitulation, qui était déjà arrêtée dans la pensée du gouvernement.

Une suprême convocation des maires eut lieu. On leur fit connaître la situation, en ce qui concernait les subsistances. M. Magnin, ministre du Commerce[1], annonça qu’il pourrait donner du pain jusqu’au 4 février, pas au delà. Le dilemme se posa : ou la famine ou les négociations ? Les maires, l’âme ulcérée, acceptèrent alors le principe des négociations. Mais la question, si importante, déjà posée dans le conseil tenu au lendemain de Buzenval, revint plus brûlante, plus impérieuse : qui devait négocier ? Les maires refusaient ce douloureux mandat. Ils avaient raison ; ce n’était pas à la municipalité qu’il appartenait de rendre la place assiégée. Emmanuel Arago soutint de nouveau cette opinion, précédemment émise, que le gouvernement n’avait pas qualité pour entamer des négociations avec l’ennemi. Il avait pareillement raison. Il eut le grand tort d’ajouter que ce pénible devoir incombait à la municipalité. Les maires persistant dans leur refus, on décida que ce serait le gouvernement qui traiterait avec les Allemands.

  1. Pierre-Joseph Magnin, né à Dijon 1er janvier 1834. mort à Paris 23 novembre 1910, maître de forges, député sous l’Empire, ministre du Commerce et de l’Agriculture pendant le siège, députe à l’Assemblée nationale, plusieurs fois ministre des Finances, vice-président du Sénat.