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vait encore tout sauver. On avait 600 000 hommes et des vivres ; on pouvait organiser une action énergique et décisive de concert avec la province, aujourd’hui on est à bout, le temps manque, et bientôt tout va manquer ! Qui parle encore de faire la Commune ? Qui serait assez insensé pour assumer la responsabilité de la situation où nous sommes ? La Commune ? son heure est passée. Auriez-vous le temps d’organiser un gouvernement, d’imprimer à tous l’impulsion nécessaire pour assurer la résistance ? Non ! Il est trop tard. Mais à qui la faute ? Sur qui doit peser la responsabilité de la situation ? Est-ce sur le peuple ? Non ! le peuple ne gouverne pas ; il est mené et exploité comme il l’a toujours été ; c’est la bourgeoisie, la bourgeoisie qui a la science, la richesse et le pouvoir, c’est elle qui sera responsable du désastre de Paris. Mais ce désastre sera plus grand et plus complet qu’elle ne se l’imagine. Ah ! elle croit qu’il lui aura suffi de faire un semblant de résistance, d’aller aux remparts et de faire des reconnaissances, où on ne voit pas les Prussiens, et d’où l’on revient en se disant : Nous avons été admirables ! elle croit, cette caste égoïste et vaniteuse, que cela lui suffira pour couvrir sa responsabilité devant le peuple et devant l’histoire ! Non ! non ! nous ne le permettrons pas ! Paris est la capitale du monde civilisé, il faut que sa chute soit digne de sa renommée. Quand Jérusalem est tombée, les femmes jetaient sur l’ennemi, du haut des murailles, à défaut de pierres et de débris, les membres palpitants des défenseurs de la cité sainte ; de Palmyre, la reine du désert il n’est resté qu’une colonnade mutilée, et on a cherche pendant des siècles l’emplacement de Babylone et de Ninive. Eh bien, il faut que Paris aussi sache mourir. Si les Prussiens entrent dans Paris, la province continuera la lutte, et alors comment nous approvisionnerons-nous ? D’où nous viendront les vivres ? Les Prussiens pourront-ils se charger de nous nourrir ? Tu ne seras pas nourrie, bourgeoisie prévoyante, mais tu seras pillée, car les Prussiens commenceront par imposer à Paris une contribution de guerre de ou 3 milliards, et ces milliards, ce n’est pas à Belleville qu’on viendra les chercher ; non ! comme on ne trouvera pas assez d’argent, on prendra les chefs-d’œuvre des musées, on mettra à contribution les riches ameublements des bourgeois, les tableaux de maîtres qui décorent leurs salons, leurs bijoux finement ciselés… Ne vaut-il pas mieux échapper à cette fin ignominieuse par un suprême effort ? Au lieu d’imiter