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hommes déterminés, ayant pour système les surprises, les coups de main, ne bougeaient pas. Sur la place, une foule désœuvrée et tapageuse grouillait toujours. Les cris de : Déchéance là l’Hôtel-de-Ville ! vive la Commune ! s’élevaient plus nourris, plus impatients, mais il n’y avait que peu de combattants probables dans cette cohue frémissante, où les femmes, les enfants et les curieux sans fusils formaient la majorité. Tout ce monde-là délaierait, en laissant des blessés et peut-être des morts, à la première décharge des mobiles, que prévoyait Razoua.

À deux heures, les bataillons attendus n’arrivaient toujours pas. Plusieurs détachements de gardes nationaux étaient sans doute déjà venus, avaient défilé devant l’Hôtel-de-Ville, en criant comme les autres : Déchéance ! démission ! puis s’étaient éloignés, satisfaits par cette démonstration pacifique.

La journée s’annonçait comme devant se passer en cris, en menaces, en protestations contre le gouvernement accusé de faiblesse, de trahison même, et contre lequel on s’indignait à l’idée qu’il préparât la capitulation, mais rien de plus. Donc une manifestation inoffensive, comme il y en avait déjà eu plusieurs durant le siège. Rien de révolutionnaire, rien de menaçant pour l’ordre publique et social ne se dessinait. Jules Favre, peu suspect d’indulgence, a reconnu l’innocuité de la manifestation :

Il y eut ce jour-là une insurrection qui m’a paru dirigée contre les hommes du gouvernement de la Défense nationale, et non contre la société. C’était surtout contre le général Trochu que l’émeute était dirigée.

(Enquête parlementaire. Déposition de Jules Favre.)

Ce qui prouve la vérité de l’observation de Jules Favre, ce fut l’absence même des bataillons sur lesquels on avait