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les Enfants Malades, les Incurables, la Maternité, les Invalides eurent leur part de projectiles. Les Allemands s’en excusèrent, par la suite, en alléguant la maladresse de leurs mauvais pointeurs. Méchante justification.

On en était arrivé à la dernière bouchée de pain, au moins dans les boulangeries, et pour la consommation du gros public. Les prix atteints pour les denrées courantes devenaient fantastiques. Le beurre se payait 25 à 30 francs la livre, la pomme de terre 25 francs le boisseau, l’oignon 1 franc la pièce. Et encore ne trouvait-on que difficilement ces comestibles coûteux. Le chat et le chien se débitaient à 5 francs la livre. Le bois, vert et peu combustible, valait 15 francs le cent. Les volailles, le cheval, le mulet, l’âne étaient hors de prix, et réservés pour les tables riches. Le sucre, le riz et le vin ne manquèrent jamais, et servirent à sustenter les deux millions d’affamés.

La mortalité était considérable. Le froid, les privations, les fatigues des gardes aux remparts, les interminables attentes des femmes à la porte des boucheries et des boulangeries avaient multiplié les malades. Le chiffre des décès dans la dernière semaine fut inouï : 4,465. La moyenne mortuaire à Paris, avec une population plus forte de cinq ou six cent mille êtres, varie, en temps ordinaire, de 760 à 900, selon les saisons. La situation était véritablement critique, et la position devenait intenable. Le moment « psychologique » prévu, attendu par Bismarck et par Trochu, était arrivé.

MANIFESTE DE L’ALLIANCE RÉPUBLICAINE

La population, malgré tout, encourageait, exigeait cette résistance in extremis. Une société politique importante, l’Alliance Républicaine, entreprit de donner satisfaction