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et de dangers absolument inutile. La France, ainsi prévenue, eût été à même de choisir la honte de la paix immédiate, ou la résistance désespérée sans l’espoir de sauver Paris. Il est probable, il est certain, qu’elle eût choisi, quand même, la défense à outrance, et que Paris, même sachant d’avance qu’il serait vaincu, eut préféré la guerre avec ses horreurs, à la paix avec ses humiliations. L’espoir, qui accompagne le malade jusqu’au bord du cercueil, le condamné à mort jusqu’à l’heure du supplice, eût bercé, grisé, soutenu ces courageux Français. Et qui pouvait savoir, au 4 septembre, si le beau désespoir cornélien n’eût pas secouru, au dernier moment, ce grand pays qui ne voulait ni mourir ni se rendre ? En tous cas, d’autres hommes que les Trochu et les Favre eussent tenu les armes, et l’espérance avait des chances. Tel fut le crime de Trochu et de ses collègues du gouvernement, dit, ironiquement sans doute, de la Défense nationale.

On doit conclure de cette confession que Trochu et ses collègues, persuadés que toute résistance était inutile, ne firent rien, ou firent peu de chose, pour la prolonger, pour la rendre redoutable et pour chercher la victoire. Ils étaient tous pénétrés de cette idée, au moins parmi les gouvernants restés à Paris, car Gambetta s’efforça de leur donner un réconfortant démenti en province, qu’on luttait inutilement, follement, et qu’on devait se préparer à la capitulation, comme un moribond doit s’attendre à la mort. Ils ne firent donc rien pour éviter ce dénouement, à leurs yeux fatal. Ils le retardèrent seulement, par respect humain, et pour conserver le pouvoir. Ils avaient fait tout, de leur côté, pour justifier les pessimistes prévisions de Trochu, et en aider la réalisation.

Ayant émis cet aveu, du ton suffisant de l’homme qui a prédit une mauvaise issue à une entreprise, et voit se réaliser sa prédiction, Trochu chercha à préparer ses auditeurs