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Ce fut alors que le gouverneur de Paris fit cette étrange et équivoque déclaration, que l’un des maires présents, Corbon, par la suite sénateur, a conservée :

La première question que m’adressèrent mes collègues, le soir même du 4 septembre, en prenant le pouvoir, fut celle-ci : Paris peut-il, avec quelques chances de succès, soutenir un siège et résister à l’armée prussienne ? Je n’hésitai pas à répondre négativement. Quelques-uns de mes collègues qui m’écoutent peuvent certifier que je dis la vérité et que je n’ai pas changé d’opinion. Je leur expliquai, en ces mêmes termes, que, dans l’état actuel des choses, tenter de soutenir un siège contre l’armée prussienne serait une folie. Sans doute, ajoutai-je, ce serait une folie héroïque, mais voilà tout. Les événements n’ont pas démenti mes prévisions.

Ainsi de cet aveu, qui dut surprendre les auditeurs, non seulement Trochu, mais ses collègues, car ils avaient en son diagnostic militaire une confiance entière, étaient convaincus, le jour même de leur prise de possession du pouvoir, que Paris, ne pourrait soutenir le siège, et devrait, tôt ou tard, capituler. Alors, la plus élémentaire honnêteté ne devait-elle pas leur faire refuser ce pouvoir, dont ils se sentaient incapables d’user pour le but dans lequel on le leur avait donné ? Au 4 septembre, Trochu et ses collègues envisageaient déjà, comme seule issue, une négociation avec les Prussiens ? Alors pourquoi ne proposaient-ils pas, sur le champ, de traiter ? C’est que la population n’eût ni compris, ni admis leurs raisons, et qu’elle les eût immédiatement dépouillés de ce pouvoir qu’ils tinrent, avant tout, à conserver. La simple loyauté exigeait que ces hommes, plus ambitieux que patriotes, fissent connaître au pays ce qu’ils croyaient la vérité. Ils devaient épargner à la France et à Paris les douleurs et les pertes d’une agonie de cinq mois, s’ils jugeaient cette prolongation de misères