Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la population persistait dans ses idées de résistance. Le gouvernement, lui, continuait à envisager une prompte capitulation comme la seule solution possible et bonne. Trois membres du gouvernement : Jules Favre, Jules Ferry, Le Flô, s’étaient rendus, dans la nuit du 19, au Mont-Valérien, pour conférer avec le gouverneur. Trochu fut d’avis qu’on ne pouvait cacher plus longtemps la situation, ni continuer à tromper la population sur la durée de la résistance ; qu’il convenait, toute action défensive désormais étant devenue impossible, de sauver Paris d’une prise de vive force, et de ne pas attendre les horreurs de la famine complète. Le général Trochu ajouta que, les vivres allant faire défaut, c’était nécessairement la fin du siège. Jules Favre, en rendant compte de cette réponse, émit l’avis de remplacer le général. C’était le vœu de toute la population :

On s’en prenait surtout à Trochu, dit Francisque Sarcey ; le bruit courait dans Paris que son illuminisme avait tourné à la folie, qu’il était en pi-oie à des hallucinations, qu’il voyait Geneviève, patronne de Paris, et qu’il avait mis dans une proclamation officielle, heureusement interceptée par Jules Favre, les habitants de la capitale sous la protection de la Sainte. Il portail les licites molles des héros d’opéra-comique et le bonnet de soie noire du marguillier. Il n’en faut pas davantage, à Paris, pour rendre un homme ridicule, surtout quand il n’a pas réussi.

(F. Sarcey, p. 324, loc. cit.)

Le remplacement du général Trochu se présentait donc à l’esprit de tous comme juste, nécessaire et urgent. La population, qui avait encore, au moins dans sa partie la plus ignorante et la plus crédule, des illusions sur la possibilité d’une résistance prolongée, sur les chances d’une trouée, n’en avait plus sur le compte du défenseur de Paris. La majorité du gouvernement partageait cette désillusion.