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Il faisait pressentir quelques-uns des parnassiens, mais sans l’éclat de la langue et la vigueur du coloris. C’était un peintre en grisailles. Barbey d’Aurevilly le comparait, pour l’ennui qu’il dégageait, à Autran, également poète moral, mais moins préoccupé de hanter les cimes : « Avec M. de Laprade, disait-il, l’ennui tombe de plus haut. » Zola prisait cet olympien, surtout pour ses tendances vers de vastes généralisations, pour sa recherche des hautes conceptions. « Il est peu d’auteurs qui m’aient troublé autant que M. Victor de Laprade », disait-il. Il ne conserva pas longtemps ce trouble, et, tout en estimant que l’école romantique, avec ses sanglots, ses rugissements, ses passions désordonnées, ses outrances, était morte, et qu’il fallait absolument réagir contre elle, il reprit son calme habituel ; « tenté un moment d’accepter la poésie de Victor de Laprade, dit-il, je l’ai ensuite repoussée. » Ce qu’il faut retenir de l’influence éphémère de l’auteur des Poèmes évangéliques, successeur d’Alfred de Musset à l’Académie Française, sur le poète raté de Paolo, c’est l’éloignement, plus apparent que réel, de Zola pour cette école romantique qu’il déclarait défunte. Il devait, pourtant, bientôt la ressusciter, tout en l’accablant d’épithètes sévères et de dédaigneuses négations. Il n’a jamais laissé passer une occasion de dénoncer la rhétorique des romantiques, de railler leurs conceptions extraordinaires et leur grandiloquente fantaisie, tout en procédant absolument comme eux, en usant même de leur dictionnaire. Sans doute, il ne reproduirait pas leurs invraisemblables fictions, il ne consentirait pas à revêtir ses personnages, pris dans le peuple et parmi les classes moyennes, de l’armure rouillée et de la livrée effiloquée des Hernani, des Esméralda, et des Ruy Blas,