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la Révolution citaient les Grecs et les Romains à tout instant, dans leurs terribles harangues. Ils ne les prenaient pas seulement comme modèles à la tribune, ils cherchaient aussi à les imiter dans leurs actes, et les dévouements, les héroïsmes, les déclamations, les allures, majestueuses ou farouches, des hommes de Plutarque et de Tite-Live étaient, aux constituants et aux conventionnels, familiers. Mais, au milieu de cette imitation du passé, que de nouveautés formidablement neuves ! Chénier ne pouvait échapper à la poussée de son siècle vers une société renouvelée, et, si le vocabulaire demeurait vieillot, que de faits, que de sentiments, que de désirs et d’exaltations, d’une nouveauté saisissante à célébrer, à flétrir, ou simplement à narrer pour la postérité ! De là, le vers fameux, résumant la poétique révolutionnaire de l’auteur du poème de l’Invention : « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. » Zola réfute cette théorie, pour lui trop juste milieu, et plus radical, il salue l’homme de génie, —il s’annonce peut-être, —qui se lèvera un jour, disant : « Sur des pensers nouveaux faisons des vers nouveaux. » Il souhaite, par exemple, pour exprimer l’amour, des expressions où le passé n’entrerait pour rien, des vers où l’âme seule parlerait, et n’irait pas, pour peindre ses joies et ses tourments, emprunter de banales images, « en un mot, une poésie amoureuse, dit-il, assez digne pour ne pas être ridicule, une poésie qu’on oserait réciter aux pieds de celle que l’on aime, sans crainte qu’elle éclate de rire » . C’est déjà toute la formule de l’école naturaliste, suggérée par André Chénier. En même temps, se dressait, devant l’imagination en travail du débutant de lettres, comme un plan considérable, presque gigantesque. Il concevait l’idée du poème synthétique. C’était la révélation