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vivants et véridiques que ces meuniers d’Angibault enrubannés, qui font l’amour comme des vicomtes et marivaudent comme des académiciens. Avec surprise et respect, il lut William Shakespeare. Je serais porté à croire que le grand dramaturge anglais, ou du moins le puissant créateur à qui nous donnons, faute d’une connaissance plus approfondie, ce nom illustre entre tous, a exercé une influence décisive et durable sur Zola. Avec Hugo, qui eut pareillement pour inspirateur et pour maître à l’école du génie, celui qu’il ne voulait comparer qu’à Eschyle, Shakespeare l’ancien, comme il dénommait le géant grec, c’est l’auteur de Macbeth qu’on peut nommer au premier rang de la généalogie cérébrale de l’auteur des Rougon Macquart. Il faut noter qu’à vingt ans Zola a compris Shakespeare. Rien d’étonnant, sans doute, à l’admiration d’un jeune homme, épris de belle littérature, pour Othello, Lear, Hamlet, Caliban, héros magnifiques de fictions impressionnantes. Il abordait pour la première fois avec enthousiasme et vénération ces personnages imaginaires, plus grands, aussi vrais, que les héros de l’histoire. Mais n’étaient-ils pas déjà consacrés par l’ovation publique ? Zola ne faisait que se joindre à un chorus universel. On n’a pas à lui savoir gré de cette participation à un hommage général, presque imposé. A l’époque où Zola faisait connaître à son ami Baille son sentiment sur Shakespeare, en 1860, il était de bon ton de railler, de nier Racine, ce qui était excessif et niais, d’ailleurs, mais il eût été impossible de toucher à Will. « Racine est un pieu, Will est un arbre ! » écrivait Auguste Vacquerie. Victor Hugo, dans toute la splendeur de son génie et de son exil, debout, statue vivante, sur le piédestal rocheux de Guernesey, venait, au milieu