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hors des langes où l’on emmaillotte les fils de la classe aisée, permit au corps, et aussi à l’intellect du gamin, de se développer avec vigueur. Dans ces randonnées, qui faisaient le fond des plaisirs du jeune gars, il était accompagné de deux camarades, qui devinrent ses inséparables : Baille, qui fut, par la suite, professeur à l’École polytechnique, et Cézanne, le vigoureux peintre impressionniste. Tous trois alors ruminaient des vers, qu’ils se récitaient avec conviction, et qu’ils louaient avec sincérité. Zola avait conservé un souvenir très vif de ses juvéniles excursions de Provence. Il les évoquait avec plaisir, sans regrets inutiles ni banales lamentations. Jamais il ne pleurnicha des variations vulgaires sur le thème universel de la jeunesse envolée. Il contait volontiers à ses intimes, durant quelque sombre après-midi, au fond des Batignolles, avec, quelle ardeur, avec quelle exubérante impatience, avec ses condisciples provençaux, il se mettait en route, par les matinées d’été, pour chasser les ortolans dans les ravins ensoleillés, du côté du barrage paternel. La chasse n’était, le plus souvent, qu’un prétexte. N’allait-on pas en battue, dans la contrée où se déploient les tireurs de casquettes ? Il s’agissait de faire de la route. Toute une journée à passer avec Baille et Cézanne, gagner de l’appétit et faire honneur aux provisions préparées, la veille, par les parents, bavarder art et littérature en toute tranquillité, c’était le vrai plaisir cynégétique. Ces causeries interminables sont délicieuses, et les heures de la jeunesse, ainsi passées à s’entretenir des livres, des pièces, des tableaux, œuvres récemment signalées, ou déjà glorieusement consacrées s’écoulent rapides, grisantes et inoubliables. Elles parfument toute une existence d’artiste. Il n’est