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On ne pouvait mettre, dans un collège de l’État, cet enfant de huit ans, pour qui l’alphabet était comme une stèle aux caractères cunéiformes. Il fut décidé qu’on l’enverrait, d’abord, dans une petite pension. On le mena donc chez un de ces pauvres instituteurs libres, dont les établissements étaient achalandés par les familles modestes, ayant la vanité de soustraire leurs rejetons à la promiscuité de l’école communale, alors fréquentée seulement, dans les villes, par les fils d’ouvriers. Dans cette institution à bon marché et à peu d’élèves, Zola apprit ses lettres et les premiers éléments. Sa famille s’était enfin débarrassée du coûteux loyer de l’impasse Sylvacanne. Elle était venue se loger, à moins de frais, au pont de Béraud, dans la banlieue d’Aix. Le jeune élève fit souvent l’école buissonnière : le nouveau logis et ses environs lui en fournissant la tentation. Il avait plus d’herbe à sa disposition, plus d’espace à parcourir, et, autour de lui, s’étendait un paysage dont la sévérité n’excluait pas la grâce. L’impression en demeura vive et persistante dans les prunelles de l’adolescent. Plus tard, les Contes à Ninon ont témoigné de cette première sensation rustique. Le goût de la campagne, dans la prime jeunesse, ressemble à un amour de la treizième année. Toute la vie en demeure embaumée, et l’homme fait s’en montre imprégné jusqu’aux moëlles. En suivant le cours sinueux de la Torse, Émile Zola acquit le sens de la nature. Cette rivière, symboliquement, circulera dans toute son œuvre. À treize ans, comme il n’avait plus rien à apprendre, dans les classes primaires du pensionnat Notre-Dame, et comme on ne pouvait plus le laisser vagabonder, tel qu’un chevreau, par les garrigues, on le présenta au collège de la ville, depuis lycée Mignet. Admis comme