Paris, le 4 février 1893.
Mon cher Magnard,
Je n’entends barrer la route à personne. Rassurez-vous donc sur le
sort de Bourget, que j’aime beaucoup. Je le prie ici publiquement de
poser sa candidature au prochain fauteuil, sans s’inquiéter de moi.
Battu pour battu, il me sera doux de l’être par lui.
Mais, en vérité, pour faire de la place aux autres, il m’est
impossible de renoncer à toute une ligne de conduite que je crois
digne, et que d’ailleurs les faits m’imposent.
Ma situation est simple.
Du moment qu’il y a une Académie en France, je dois en être. Je me
suis présenté, et je ne puis pas reconnaître que j’ai tort de l’avoir
fait. Tant que je me présente, je ne suis pas battu. C’est pourquoi je
me présenterai toujours.
Quant aux quelques amis littéraires, que je suis heureux et fier de
posséder à l’Académie, et que je gêne, dites-vous, ils sauront garder
toute la liberté de leur conscience, j’en suis convaincu. Je ne leur
ai jamais rien demandé, et la première chose que je leur demanderai
sera de voter pour Bourget, le jour où il se présentera.
Cordialement à vous.
Il apporta, dans cette poursuite d’un siège académique, un acharnement,
qui suscita sans doute des résistances sérieuses, plus tenaces qu’on
aurait dû s’y attendre. D’ordinaire, l’Académie, après un stage plus ou
moins prolongé, finit par s’amadouer et accorde à la persévérance, qui est
pour elle le plus flatteur des hommages, ce qu’elle avait cru tout d’abord
devoir refuser à l’impatience, à la présomption, et même au talent trop
sûr de lui-même. Ce fut comme un duel. Zola finit, son insistance étant
devenue agressive, par décourager plusieurs des académiciens qui le
soutenaient. Il perdait des voix à chaque candidature nouvelle. Un jour,
il y avait trois fauteuils vacants. Zola hardiment se porta à tous. Il
subit un échec triple. Il persista dans son intention de
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