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des incertitudes de procédure, de mouvements d’opinion, de passions politiques et religieuses. L’instituteur est enfin réhabilité, et l’auteur du crime, un certain frère Gorgias, se dénonce et se fait justice. Une grande fête civique et laïque célèbre le retour de la victime dans la bourgade, au milieu de ses partisans, vainqueurs de la coalition cléricale et réactionnaire. Zola, avec une grande abondance de détails, a peint le monde ecclésiastique et la société aristocratique décidés à perdre le malheureux juif pour sauver le prestige de l’école congréganiste. Quant au frère Gorgias, il est l’Esterhazy de cette affaire fictive. Tous, même ceux qui se servent de lui, et qui l’ont couvert de leurs robes de prêtres ou de magistrats, l’abandonnent et le livrent à la misère et au désespoir, ce qui fait qu’il se décide à manger le morceau, à produire le fait nouveau. Il existe au débat un papier rappelant le fameux bordereau. C’est un modèle d’écriture, importante pièce à conviction, qui a été truqué, escamoté, contesté, au cours de la première instruction, avec des manigances de juges et des intimidations de témoins. Vérité a donc le caractère d’une seconde mouture de l’affaire Dreyfus. Zola a dessiné, plutôt de chic, quelques types d’ecclésiastiques, qui ont toute la naïve scélératesse des traîtres de l’Ambigu, des jésuites traditionnels des feuilletons et le Rodin du Juif-Errant est reproduit sous le nom de père Grabet. Les instituteurs tiennent tous les rôles sympathiques dans ce livre, et sont encensés, portés au pinacle de la hiérarchie sociale. Là aussi, il y a un peu, beaucoup d’exagération. On a trop couvert de fleurs nos instituteurs. On les a encouragés à marcher sur les traces de leurs collègues allemands, qui ont, prétend-on, donné la victoire à leurs compatriotes. La comparaison