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la maison troublée, les habitudes modifiées, les plaisirs, les réceptions dérangés : voilà un ennui assez sensible pour les riches ; le souci des enfants à élever, à soigner, à caser, et l’émiettement des biens lors du mariage ou de l’établissement des héritiers, c’est une grave anxiété pour la bourgeoisie. Pour le travailleur, dont l’imprévoyance est irrémédiable, qui procrée au hasard des lundis et des soirs de saoulerie, la fécondité est l’équivalent d’une infirmité, d’une chute. La grossesse de la femme l’empêche de trouver du travail régulier, les patrons ne conservant pas les ouvrières toujours enceintes ou allaitant. La naissance d’un enfant, sans parler des inquiétudes, des soins à donner, des précautions, des veilles et des dérangements à toute heure de nuit, quand le repos est si nécessaire au travailleur, restreint l’espace déjà si mesuré du logis. Il faut souvent déménager, prendre un logement plus cher. Dans certaines maisons, on refuse un locataire qui a trop d’enfants à raison du bruit pour les voisins. L’homme se trouve comme séparé et privé de sa femme perpétuellement en gésine. Il prend en dégoût sa maison. Le cabaret le retient plus facilement. Il se sent aussi plus disposé, les samedis de paie, à écouter les appels des sirènes du trottoir, et il a son excuse dans l’attitude de sa compagne, peu disposée aux plaisirs du lit, et redoutant d’être de nouveau « prise » . Le lapinisme engendre la misère, alimente la prostitution. La main d’œuvre, déjà restreinte par les appareils scientifiques de plus en plus perfectionnés, s’avilit par l’abondance de bras vacants. Les salaires baissent, et cependant le prix des denrées augmente. En même temps, le niveau intellectuel et moral diminue. Les meurt-de-faim, les déclassés, les délinquants se multiplient selon la progression de la population. Le peuple