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pour un artiste, d’avoir vu Rome. Vision nulle et déplacement inutile cependant. Les monuments n’y existent pas. Est-ce le crime des Barbares ou des Barberini ? Le résultat est le même pour le regard, pour la pensée. Les églises ont toutes la valeur architecturale de notre Saint-Roch, ou d’autres hideux édifices jésuitiques, à portail et à frontons Louis XV, rappelant les pendules artistiques en simili-bronze qu’on fabrique à la grosse, rue de Turenne. Des dômes, des coupoles, pas un clocher. Les places, les fontaines ont l’allure rococo. L’odieux Bernin triomphe partout. Saint-Pierre, malgré Michel-Ange, a l’aspect d’une grosse volière. L’art, à Rome, s’est réfugié dans les chapelles, dans les galeries. L’intérêt artistique de la prétendue capitale de l’éternelle beauté, où l’on a la sottise d’envoyer se perfectionner dans leur art, et y conquérir la maîtrise, les apprentis peintres, sculpteurs, musiciens, —étudier la musique à Rome, cela a l’air d’une ironie chatnoiresque ! —est donc tout à fait indépendant du sol romain. Transportez, comme le général Bonaparte et le commissaire Salicetti le firent, la plupart des chefs-d’œuvre enfouis dans les loges, les galeries, les couvents de cette ville dévastée, dotez Montrouge ou Grenelle des œuvres accumulées sur les bords du Tibre par les princes de l’Église et vous aurez Rome. C’est un magasin de curiosités qui pourrait être véhiculé et déballé, sans perdre de son prix, sur n’importe quel point du globe. La vie romaine en soi est dépourvue d’intérêt. Le fameux Corso est encore plus désillusionnant que la Cannebière. C’est une rue sombre, avec des trottoirs où l’on ne peut passer quatre de front. Des encombrements de voitures, allant au pas, sur une seule file, lui donnent l’aspect de notre rue de Richelieu, sans l’élégance des