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Victor Hugo, si majestueusement employé dans le Ventre de Paris, paraît ici un peu usé et faiblard. L’anthropomorphisme architectural, animant les bâtisses et mêlant l’âme humaine à la solitude des édifices, lasse et n’étonne plus dans cet itinéraire. La description minutieuse des rues et des édifices de la ville est peu intéressante. C’est qu’il est difficile, malgré la légende, malgré les préjugés, de trouver Rome une ville digne d’être admirée, et même étudiée. Son paysage ne vaut pas celui de Florence et de Fiesole, son décor n’est pas comparable à celui de Venise, son mouvement moderne est inférieur à l’activité de Milan. On ne regarde Rome qu’à travers la vitrine de l’histoire. C’est une de ces pièces paléontologiques, comme on en conserve dans les Muséums, et devant lesquelles les badauds défilent, les dimanches, avec des yeux ébahis, en dissimulant un bâillement. L’admiration pour Rome est toute factice. Elle est chose convenue, et l’on craindrait de passer pour un barbare et un ignorant si l’on déclarait, que, en dehors des collections artistiques, des richesses picturales et sculpturales gardées dans les galeries, dans les palais, au Vatican, et en mettant à part deux ou trois vestiges de la gloire antique, comme le Colosseo et le Panthéon d’Agrippa, il n’y a rien à voir pour l’artiste, dans cette cité, qui n’est même plus vieille. Il y a sans doute quelques jolis coups d’œil à donner vers les rues étroites et pittoresques des bords du Tibre jaunâtre ; le panorama découvert des terrasses du Pincio est intéressant et la campagne romaine, aux solitudes suspectes, a un aspect lépreux, désolé, excommunié, qui n’est pas dénué de caractère. Mais la ville fameuse est belle surtout dans l’imagination, et ne justifie le voyage que parce qu’il est élégant, pour un touriste, et convenable,