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que Zola a décrit, on devrait dire chanté, avec un lyrisme et une virtuosité extraordinaires. Zola, dans ce cantique, redevient le grand poète de la Faute de l’abbé Mouret et de la Page d’Amour. Il a su éviter ce qu’il pouvait y avoir de choquant en cette sorte d’inceste entre oncle et nièce ; il n’a pas donné à ces amours d’un pédagogue et de son élève le caractère un peu ridicule des ébats de la pédante Héloïse avec Abailard, le beau professeur ; enfin, il a su nous émouvoir, et en écartant la raillerie, avec le tableau d’un vieillard, « dont la barbe est d’argent comme un ruisseau d’avril », faisant l’amour avec une belle fille dont les cheveux sont des épis d’or. Il est parvenu à faire accepter cette union, qu’on qualifie dans la société de disproportionnée, et qui évoque l’image de cornes plaisantes poussant au front du barbon. Les amours séniles, qui d’ordinaire provoquent le rire, ici, poussent aux larmes. Nous voilà loin d’Arnolphe et de sa bécasse d’Agnès ; Zola rivalise avec Hugo, qui voyait de la flamme dans l’œil des jeunes gens, mais dans l’œil des vieillards contemplait de la lumière. L’épisode touchant de Ruth et de Booz est reproduit à la Souléiade. Mais les amours bibliques ne connurent pas l’un des facteurs permanents de la souffrance des amants modernes : l’argent ! Poètes et romanciers oublient trop souvent, dans leurs fictions, le rôle du dieu de la machine, l’intervention de cet Argent qui domine tout. Dans ce livre, il change l’idylle en tragédie. Ruiné, le docteur est obligé de se séparer de sa Clotilde. Pour la soustraire à la pauvreté, il l’envoie à Paris, et il meurt de cette séparation. Clotilde revient, trop tard, pour embrasser une dernière fois celui qu’elle avait réchauffé de sa jeunesse et rajeuni de son amour. La mort du docteur Pascal est une page superbe. Il tombe