Au point de vue technique, Zola reconnaît que la marche de Châlons sur
Metz était pratique le 19 août, possible, mais aventureuse le 23, « un
acte de pure démence » le 27. Et comme il s’élève contre le stupide
abandon des collines dominant Sedan, aux environs de Saint-Menges,
Givonne, Daigny, La Moncelle ! À propos de la retraite vers Mézières,
prescrite le 1er septembre à huit heures du matin par Ducrot, —qui
n’avait cessé de critiquer tout et tous, et qui, mis au pied du mur,
se montrait au-dessous de tout et de tous, —je vois encore Zola me
désignant, du doigt, sur une carte prussienne où étaient notées les
positions de tous les corps d’armée, le défilé de Saint-Albert, et me
disant :
—Mais Ducrot, avant de donner ses ordres, n’avait donc pas envoyé
un cavalier pour savoir si les Allemands ne se trouveraient point à
Vrigne-aux-Bois ?
Non, la Débâcle n’est pas un mauvais livre, car on ne saurait guérir
une plaie sans la voir, sans la sonder ; c’est une œuvre forte et
saine. Il faut être juste envers tout le monde, même envers ceux qui
vous ont fait le plus de mal.
Cette calme et impartiale apologie de l’auteur de la Débâcle, cette
mise au point de ses sentiments sur l’armée, cette infirmation de tant
d’arrêts injustes et injustifiés de la presse, répercutés dans l’opinion,
paraissait dans la Patrie, organe de la Ligue des Patriotes, et dont
le directeur Émile Massard est en même temps le rédacteur en chef de
l’Écho de l’Armée, journal non seulement patriote, mais militariste,
étant pour l’Armée ce que la Croix est pour l’Église, et celui qui
signait cette loyale déclaration, M. Alfred Duquet, était l’adversaire
politique de Zola et un violent anti-dreyfusard.
Pour tout lecteur de bonne foi, et non aveuglé par la passion de parti,
l’affaire de la Débâcle est jugée définitivement. C’est un livre
d’histoire sévère, où les nôtres ne sont pas flattés, sans doute, mais où
les ennemis sont dénoncés et flétris dans leurs actions atroces, où
l’historien a cherché et su trouver presque partout la vérité.
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