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sauver de la catastrophe notre fierté, et notre espoir dans la victoire future. Et, quant aux capitaines bavarois, il faut qu’ils soient bien persuadés que la France vaincue par eux n’est pas la France d’aujourd’hui, mais une France démoralisée, éperdue, sans vivres, sans chefs, et pourtant si redoutable encore que, partout, elle n’a succombé que sous le nombre, et dans les surprises. J’imagine qu’au lendemain de la guerre le capitaine Tanera n’aurait point osé écrire sa lettre. Bazeilles était alors une telle tache de sang, avait soulevé dans le monde entier un tel cri d’exécration que les Bavarois eux-mêmes n’aimaient point à rappeler leur victoire. Mais le capitaine dit qu’il était à Bazeilles, et il m’aurait peut-être suffi de lui répondre que, dès lors, il n’était pas placé du bon côté pour juger mon livre, et décider si j’avais fait, avec la Débâcle, une besogne utile ou nuisible à la France. Car, par le fait de cette polémique extravagante, me voilà forcé de défendre mon œuvre française, mon patriotisme français, contre un des égorgeurs, un des incendiaires de Bazeilles. Voilà le langage d’un patriote et d’un bon Français. C’est aussi la voix même de la raison et de la vérité que fait entendre ici Zola. Ceux qui l’accusent d’avoir attaqué, affaibli l’armée avec son livre, n’ont pas lu la Débâcle ou bien ils n’ont pas voulu en comprendre l’esprit, ni la portée. Ce n’est pas avec cette page d’histoire que le défenseur de Dreyfus peut être accusé, avec justice, d’avoir porté atteinte à l’armée, diminué l’esprit militaire, et abattu les courages. Ces reproches sont faux, et il ne faut pas mêler la Débâcle à l’affaire Dreyfus. Zola a expliqué, à propos des attaques du capitaine Tanera, qu’il avait cru devoir ne pas imiter ceux de ses devanciers qui, dans les tableaux de batailles, supprimaient les défaillances, et ne peignaient que les héroïsmes. L’homme, avec ses misères et ses faiblesses, devait