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avocat, volontaire, et caporal, comme lui en 1870, —personnifie le patriote que les événements ballottent et qui se sent, atome impuissant, emporté dans le tourbillon des faits. Jean, le rustique vaillant, débrouillard et doux, c’est le soldat résigné, qui marche dans le sillon de la gloire ou de la défaite, de son même pas de bœuf résistant qui s’en va aux champs. Weiss, pacifique et raisonnable, raisonneur aussi, comptable à lunettes, qui, exaspéré, finit par prendre un fusil, joue sa vie en partisan, et meurt en héros, se dresse, figure exceptionnelle, sympathique, admirable. Zola, dans les pages qui racontent le dévouement de ce civil à la patrie, sa résolution superbe et son exécution en présence de sa femme, qui se cramponne désespérément à lui, a donné une note émue et profondément attristante. Malheureusement, ce bon citoyen, ce grand et obscur patriote est un peu une figure romanesque. Mes camarades et moi, nous avons plutôt rencontré Fouchard et Delaherche, par le hasard des routes. Le personnage le mieux composé, le plus vrai, le plus humain, et qui vous va au cœur, n’est-ce pas cette brute valeureuse de lieutenant Rochas ? Voilà un soldat ! Il ne veut pas douter un jour. Il ne permet pas qu’on suppose un instant que des Français puissent ne pas être vainqueurs, et toujours ! Il est glorieux, il est vantard, il est bruyant, insupportable et sublime. Même quand les canons des fusils s’abaissent de toutes parts sur sa poitrine, il se croit victorieux. Il le serait, s’il n’était pas seul de sa foi. Il témoigne bien d’une certaine surprise à voir la façon nouvelle de se combattre. Il se sent vaguement tombé dans un piège. Son âme, plus haute que la fortune, résiste. Ce Don Quichotte de l’honneur français, qu’on peut railler, et que Zola n’épargne pas, lorsqu’il