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drapeau, et apostats de la religion et du devoir, sur la route de Belfort à Dannemarie, sont historiques, dans le sens prudhommesque du mot. J’ai eu le bonheur de ne pas faire nombre dans cette traînée d’éclopés, de réclameurs et de pleurnichards. Mon corps, le 13e, sous les ordres de Vinoy, a échappé à la ratière. Il est rentré à Paris de Mézières, tambours battants, drapeaux déployés. Nous avons eu cependant le contre-coup de la panique, et la répercussion de la débandade. En route, çà et là, comme un essaim qui part, nous avons recueilli des évadés du sac où la Prusse avait fourré, d’un tour de main, ce qui était la veille l’armée française. L’esprit de ces hommes, ramassés comme des ivrognes un lendemain de fête, était déplorable. Ils ont contaminé beaucoup des nôtres, ces avariés de l’indiscipline ! C’est le moral qui était pis que tout, dans l’armée désarticulée d’alors. Zola est narrateur exact quand il raconte la démoralisation suprême, l’empereur traversant, somnambule du rêve confus qui s’achevait en cauchemar, les villages encombrés, les routes trop étroites, les plaines crayeuses et gluantes où l’on enfonçait, et traînant avec soi l’ironie pesante de sa vaisselle d’argent, de ses seaux à rafraîchir le Champagne, de ses chambellans importants, et de sa valetaille obstruante et bourdonnante. Le romancier historien a raison d’attribuer une grand part dans la déroute, à cette voix impérieuse, venue de Paris, qui lui ordonnait de marcher sur l’Est, aveuglement, follement, bêtement, jusqu’à ce qu’il s’abattît, carcan fourbu, pour essayer de sauver la carrosserie de l’état dynastique qu’il remorquait. La Débâcle commença par en haut. Mais là n’est pas encore toute l’explication de nos malheurs. L’histoire implacable, et impartiale aussi, dira un jour que la France a été violée parce qu’elle s’est