Les journaux et les hommes politiques, convaincus de la culpabilité du
capitaine Dreyfus, ou fortement prévenus contre lui, étaient parfaitement
fondés à réclamer que l’État-major mît sous les yeux de la Chambre et
du public les preuves de la trahison, qui pouvaient exister dans les
dossiers. Il était admis, dans le tumulte des furibondes polémiques, que,
comme dans d’autres affaires scandaleuses, on eût recours de part et
d’autre au perfide et méprisable procédé des « petits papiers » . Dans
l’ivresse de la mêlée, on a, chez tous les partis, et de tous les temps,
usé de ces armes empoisonnées. Pour toucher un adversaire et le mettre
hors de combat, on cherche à le déshonorer. Mais ce combat sans merci a
lieu, d’ordinaire, entre vivants. On laisse les morts dans leur suaire, et
l’on répugne à les démaillotter. L’acharnement inouï de la lutte, entre
accusateurs et défenseurs de Dreyfus, fit un champ-clos d’une tombe
éventrée, et, pour atteindre le fils, on tapa sur le squelette du père.
La menace du Patriote de Bruxelles, reproduite par divers journaux
parisiens, mit-elle sur la piste d’un scandale nouveau ? Suggéra-t-elle, à
quelque personnage rude et impitoyable de l’État-major, l’idée de confier
à la presse un document compromettant pour « la parenté » d’un des plus
notoires dreyfusards ? On ne sait, mais, quelques semaines plus tard,
le Petit Journal publiait une lettre d’un colonel Combe, ayant eu sous
ses ordres, en Algérie, le lieutenant François Zola, et où celui-ci était
accusé d’avoir détourné l’argent de sa caisse d’habillement et d’avoir
déserté, en laissant des dettes.
Il y avait des faits exacts dans cette accusation, mais ils étaient
grossis. La gravité du détournement dont se trouvait inculpé François Zola
était atténuée par ce fait que, s’il y avait eu déficit dans les comptes
du magasin
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