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et gratifié de ce surnom. Ce n’était pas un motif suffisant pour l’introduire dans son livre. Ce paysan se fût appelé Nicolas ou Jean-Pierre, que le tableau de la vie rurale aurait eu le même coloris, la même vraisemblance. Mais, en passant condamnation sur ce nom fâcheusement choisi, il est difficile d’admirer, au point de vue purement littéraire et naturaliste, la conception de ce Jésus-Christ, personnage flatueux. Il est véritablement un trop puissant Éole. L’auteur semble l’avoir pourvu, après coup, de ce talent spécial qu’un monstrueux histrion a fait, tout un hiver, applaudir du public parisien. Le pétomane, dont Zola se fait le Barnum, ne révèle sa vocation qu’à la page 314 du volume. Jusque là rien ne faisait prévoir ce déchaînement de sonorités intestinales. On avait, jusqu’à ce point du récit, plusieurs fois aperçu, mais non entendu, le musical paysan ; toujours il s’était retenu. Chez le notaire Baillehache, au marché, dans les scènes de partage et de chicane, il avait gardé un silence de bonne compagnie. Tout à coup il se lâche. L’idée de faire pétarader Jésus-Christ dans son œuvre a dû venir à Zola, non pas en écoutant le rossignol dans les arbres de Médan, mais probablement en regardant pousser les rames de haricots de son jardin. Étrangement, ce Jésus-Christ et ses sonorités fournissent à Zola le thème lyrique, le leitmotiv où sa virtuosité se manifeste, qu’il a placé dans chacun de ses romans : ainsi se développent la marche des fromages du Ventre de Paris, le festin impérial de la Curée, les orages sur Paris de la Page d’Amour, la culbute réitérée des herscheuses dans les galeries et par les fossés de Germinal ; la Terre a la symphonie des crépitements. Rarement Zola a montré un lyrisme plus excessif. Cette constatation, souvent répétée dans ces pages, de son