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et si vive à la fois, voici l’enterrement de la pauvre Jeanne. Autour du corbillard de l’enfant doivent prendre place des petites filles. Selon l’usage, on les a habillées de blanc. Elles sont joyeuses dans leurs jolies robes neuves, et descendent au jardin, en attendant l’heure du convoi. Une volée d’oiseaux blancs lâchés. Hélène, la mère douloureuse, les aperçoit, et un souvenir cruel la frappe en plein cœur. Elle se rappelle le bal de l’autre saison, et la joie dansante de tous ces petits pieds. Toutes ces fillettes en robes blanches lui apparaissent dans leurs joyeux costumes : laitières, chaperons rouges, alsaciennes, folies et marquises. Mais une manque à la folle ronde, l’étrange et maladive Japonaise au chignon élevé, traversé de longues épingles… Et, plus tard, au retour du cimetière, quand il s’agit de donner à goûter à toutes ces petites filles blanches, un goûter presque aussi beau que celui du bal, Lucien n’offre-t-il pas à une autre petite fille, sa nouvelle amie, blanche et frêle, qu’on nomme Marguerite, et qui a de fins cheveux d’or pâle, de rester avec lui et d’être sa petite femme, puisque Jeanne n’est plus là ?… Un personnage étonnant, qui tient une large place dans le drame, la place du Chœur dans les tragédies d’Eschyle, assiste à toute l’action, témoin impassible et acteur inconscient, c’est Paris. Avec hardiesse, Émile Zola a fait entrer Paris, la ville énorme, dans le cadre étroit de son œuvre. Il a donné un premier rôle au Trocadéro, et fait de Sainte-Clotilde, une utilité. La Seine, les buttes Montmartre, les cimes vertes du Père-Lachaise, les verrières blanches du Palais de l’Industrie, la coupole ventrue des Invalides, le carré morne du Champ-de-Mars, tout cela prend part aux événements, donne une sorte de réplique muette aux