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que le néant ne touche point à Raphaël, d’un enfant sur sa mère endormi ? L’intérêt poignant qui se dégage d'Une Page d’Amour, gît tout entier dans la lutte affreuse qui s’engage dans l’âme de la petite Jeanne. La jalousie, une jalousie étrange, ronge cet enfant, comme le vautour le Titan. Sa souffrance renaît tous les jours. Quand M. Rambaud, le notaire grisonnant, ami fidèle et amoureux patient d’Hélène, se déclare, et que Jeanne apprend que, si sa mère le veut, il sera à la maison, le jour, la nuit, toujours, cette question, d’une précocité terrible, lui monte du cœur aux lèvres : « Maman, est-ce qu’il t’embrasserait ? » Sur la réponse d’Hélène : « Il serait comme ton père », Jeanne tombe dans une de ses crises nerveuses, et désormais Rambaud lui fera horreur. Mais cette répugnance pour l’homme qui a demandé à épouser sa mère fait bientôt place à une nouvelle haine. Avec une perspicacité impeccable, Jeanne reconnaît bien vite qu’elle n’a pas lieu d’être jalouse de ce pauvre vieux Rambaud, car sa mère ne l’aime pas ; mais elle a pressenti qu’un autre lui avait volé ce cœur maternel, que son égoïste affection veut accaparer tout entier. Elle a deviné le docteur. Alors elle ne veut même plus se laisser toucher par ce médecin qui la soigne. Elle lui dit : « Vous me faites mal ! » et à sa mère elle crie : « Tu ne m’aimes plus ! » Quand Henri et Hélène se trouvent réunis à son chevet, elle fait semblant de dormir, pour les surprendre. Quand ils s’éloignent, elle saute à bas du lit, pour les rejoindre. Éveillée, son œil soupçonneux ne les quitte pas un instant. Et elle n’éprouve un moment de satisfaction et d’apaisement que lorsqu’elle peut faire mille amitiés à Rambaud, devant