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la chapelle, les rencontres entre les gens qui s’aiment et n’osent pas se le prouver. La pieuse proxénète les encourage, les excite, leur montre du doigt l’alcôve propice, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, sans oublier d’ajouter : Ainsi soit-il ! en tendant sa main crochue, façonnée à tous les vices et à toutes les recettes. Hélène, cette majestueuse et sereine veuve, aux lignes sculpturales, à l’attitude de déité douce, pensive et triste, n’apparaît-elle pas en pleine lumière, à toutes les pages du récit, avec tout son relief et toute son intensité de vie et de passion ? Il en est de même des autres personnages, même de ceux du deuxième plan, comme le petit soldat Zéphirin, au dos rond, aux joues énormes, balourd et sentimental, rustre couvert d’un uniforme, meilleur à la cuisine qu’au camp, épluchant les légumes, astiquant les cuivres, ou ratissant le jardin, pour faire sa cour à la cuisinière Rosalie, qu’il épousera, peut-être, quand il aura son congé. Je suppose qu’Émile Zola, en se servant de cette expression : « œuvre de demi-teinte », a voulu désigner une œuvre douce, où la passion a des sourdines, où les orages éclatent dans le lointain et ne font entendre qu’un roulement assourdi. En cela il se serait trompé. Une Page d’Amour, malgré son titre paisible, est l’un de ses romans les plus vigoureux. Si l’on n’y retrouve ni la crudité voulue de l’Assommoir, ni l’élégante brutalité de la Curée, ni la fièvre extatique de la Faute de l’abbé Mouret, la vie n’y est pas moins manifestée avec toute son outrance ; les passions s’y bousculent dans les mêmes paroxysmes. Ce n’est pas absolument une œuvre douce et charmante que Une Page d’Amour, c’est une œuvre puissante, presque violente. Ne nous laissons pas abuser par les allures posées et de bon ton des personnages. Ils