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moment n’est pas loin où cette hypothèse va devenir une réalité. Il passe par la tête de cette éventée de Juliette, qui a la satiété des fêtes mondaines ordinaires, de donner un bal d’enfants. Le bal a lieu en plein jour, dans le grand salon noir et or, aux volets soigneusement clos, et entièrement éclairé, comme pour une fête de nuit. À un moment de ce bal d’enfants, les grandes personnes qui y assistent se trouvent dispersées, assises ou circulant çà et là. Le docteur Deberle rencontre Hélène. Ici un effarement réciproque. Elle tremble, et il frissonne. Il est derrière elle. Son souffle lui passe dans les cheveux. Elle sent qu’il va parler ; elle n’a pas la force de fuir, et faible, vaincue, heureuse au fond, elle reçoit ce premier aveu, haleine embrasée qui la brûle : — « Je vous aime ! oh ! je vous aime ! » Voilà l’exposition terminée et le drame noué. La catastrophe est proche : l’aveu fait et subi, Hélène et Henri Deberle se sont trouvés séparés par les choses, autant que par eux-mêmes. Une sorte d’effarouchement des sens s’est emparé d’eux, et, sans s’éviter, ils n’ont rien tenté pour se rapprocher. Mais le mois de mai est venu. Un souffle tiède envahit la nature et les êtres. Le clergé, qui sait merveilleusement tirer parti des admirables accessoires que lui fournit l’inépuisable magasin du monde, use de ce mois et s’en sert pour une toute-puissante mise en scène. Il l’appelle le mois de Marie, et en fait la pieuse saturnale des fleurs fraîches écloses, des bonnes odeurs des feuilles vertes, des arômes qui caressent et des chants qui consolent. Aux voix des vierges se mêlent les senteurs des roses ; l’orgue, l’encens, les cantiques rivalisent avec les moissons de bouquets et les gerbes de feuillages, pour célébrer Marie. Cette fête de