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refuser une politesse qu’on doit ensuite rendre, il ne prenait que des boissons inoffensives. On le surnommait Cadet-Cassis, parce qu’à la verte et à la jaune qu’on servait aux amis il substituait le doux cassis, une consommation de dames. Gervaise était vaillante et tendre. Le bonheur logeait dans la maison. Une chute, un accident du travail, qui aurait pu ne pas se produire, le fait à tout jamais déguerpir. C’est parce que Coupeau est blessé, parce qu’il a le loisir de la convalescence, qu’il se met à fréquenter l’Assommoir, qu’il se laisse agripper par la machine à saouler, perdant le goût du travail en prenant celui de l’alcool. Si Coupeau n’eût pas été précipité d’un échafaudage, il eût continué à boire du cassis et eût offert, jusqu’à la fin de ses jours, avec sa Gervaise, le modèle du ménage ouvrier. Ce n’est donc pas le cabaret du père Colombe, qui est cause de la chute morale de ces deux infortunés, mais la chute matérielle, la tombée du tréteau. Supprimez l’accident, et le cabaret, l’Assommoir perd son relief romantique et sa couleur truculente. Zola préoccupé, en écrivant l’Assommoir, de peindre la vie ouvrière de Paris, voulait montrer les ravages que fait l’alcoolisme dans le monde du travail ; une moralité, un avertissement, et un enseignement social pouvaient en provenir. Et pourtant, la seule pratique leçon à tirer du livre, c’est que l’ouvrier doit éviter de dégringoler d’un échafaudage. Il est vrai que les livres comme celui-ci ne doivent avoir aucun but moralisateur, aucune tendance utilitaire, et que nous n’avons à demander à l’auteur que du talent, et au roman que d’être intéressant et beau, d’être œuvre d’artiste, et, non sermon de prédicant. L’Assommoir n’est pas le meilleur, mais il est le plus