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bourgeoises, et l’on s’explique ainsi pourquoi Zola, honni légendaire comme pornographe et irrespectueux envers le clergé, la morale et le capital, a paru longtemps suspect aux milieux démocratiques. Son tableau, du reste, péchait par l’exactitude. Il n’y a pas que de la débauche et de l’ivrognerie dans les faubourgs, et les ouvriers laborieux, sobres, rangés, sont encore en majorité. Sans cela, Paris ne serait qu’un assommoir géant et qu’un colossal asile d’aliénés. Les personnages de l’Assommoir, en mettant à part Coupeau et Gervaise, qui devaient symboliser et synthétiser la déchéance morale, matérielle et sociale de l’ouvrier, conséquence de l’atavisme et de l’alcoolisme, sont tous des ivrognes, des coquins, des brutes. Bibi-la-Grillade, Mes-Bottes, Bazouge, voilà des êtres indignes, abrutis par la fréquentation de l’assommoir du père Colombe ; tous sont happés par la machine à saouler et pas un n’échappe au monstre. L’auteur n’a fait d’exception que pour deux des comparses de son drame : Lantier et Goujet. Ceux-là seuls ne sont pas des pochards. Mais ces sobres héros sont, l’un méprisable et l’autre ridicule. Exceptionnellement aussi, l’auteur a donné des opinions politiques au souteneur : il est républicain. Grand merci pour la République de cette recrue ! Ici, une critique s’impose : si l’Assommoir était une vaste fresque ouvrière, brossée d’après nature, à larges touches, avec crudité, et d’un pinceau brutal, souvent, mais peinte aussi en pleine pâte de vérité ; si les modèles avaient été observés dans toute leur réalité, l’artiste n’eût pas manqué de donner une place, et au premier plan, à ces ouvriers parisiens si connus, si répandus : le vieux travailleur, à barbe grisonnante, ancien combattant de 48, plein des souvenirs de la barricade, évoquant les journé