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surexcitées par l’alcoolisme, fut encouragé, appuyé par le groupe. Malgré quelques hésitations suggérées par des crudités de style, Yves Guyot eut le courage, car c’en était un pour l’époque, de donner en feuilleton l’Assommoir dans le Bien public. Composé à Saint-Aubin, au bord de la mer, dans l’été de 1875, il parut en 1876. Ce fut une louable tentative littéraire, une fâcheuse opération financière, pour le journal que M. Menier, le bon chocolatier, subventionnait. L’Assommoir avait été payé dix mille francs à l’auteur, pour sa publication en feuilleton. Non seulement le tirage ne monta pas, mais, sous l’avalanche des lettres d’injures et la grêle des menaces de désabonnement, il fallut battre en retraite. On coupa court. Pareille mésaventure était déjà survenue à l’auteur, pour la Curée. Il supporta l’amputation avec son habituelle énergie. L’Assommoir fut transporté dans une petite revue littéraire, la République des Lettres, que dirigeait Catulle Mendès, le poète parnassien, aux œuvres plutôt raffinées, et dont les préoccupations artistiques, comme les tendances littéraires, semblaient si distantes des théories du naturalisme, et d’ouvrages comme les Rougon-Macquart. Il était, cependant, grand admirateur de Zola. La Faute de l’abbé Mouret, avec son Paradou, l’avait enthousiasmé. Cet accueil, fait à un auteur et à un ouvrage aussi fougueusement « naturaliste » par un écrivain et par une publication se recommandant de Victor Hugo, démontre combien, malgré ses protestations et ses théories, Zola était considéré comme un romantique, comme un poète. La presse fut moins tendre. Des articles indignés parurent. Les journalistes vertueux dénoncèrent l’Assommoir comme immoral, les publicistes solennels, courtisans