— « Il me semble que je suis à la procession de la Fête-Dieu et que je
porte la bannière de la Vierge ! »
La Curée a été, nous l’avons dit, commencée avant la guerre, à raison du
retard apporté par le Siècle à publier la Fortune des Rougon. Elle a
été terminée en 1872. Publiée en feuilleton dans la Cloche, elle fut
arrêtée par l’auteur lui-même. Un substitut manda Zola au parquet, et le
prévint que, son roman étant immoral, Il serait prudent de sa part de ne
pas en continuer la publication sous la forme populaire du feuilleton.
Des poursuites pourraient être requises. Le parquet n’agirait pas si
l’ouvrage, au lieu d’être propagé par le journal, était seulement publié
en librairie. Ce bienveillant, mais timoré substitut, conseilla à l’auteur
de sauver le livre en abandonnant le feuilleton, car, si les poursuites
étaient entamées, si la police se mettait en route vers l’imprimerie du
journal, elle ne s’arrêterait pas, elle irait certainement jusqu’à la
boutique du libraire. Zola suivit ce conseil. La Cloche interrompit
les feuilletons, et, l’hiver suivant, la Curée parut chez l’éditeur
Lacroix.
Cette prudence fut peut-être exagérée. Le parquet est un bon lanceur de
romans, souvent. Mme Bovary dut d’être connue, achetée, lue, et dénigrée
ou vantée, au réquisitoire bébête et prétentieux de l’avocat impérial
Pinard. Puisque le livre de Flaubert était immoral, ainsi que le
prétendait l’honorable et stupide organe du ministère public, tout le
monde avait désiré se régaler des obscénités dénoncées. La Curée,
déférée aux tribunaux comme roman dégoûtant, c’était le succès sur et
l’auteur attaqué, insulté, mais connu et bien payé, et cela
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