C’est l’ovule de tous les enfants de Zola. Il contient, en substance,
leurs défauts, leurs qualités, leurs caractères et leur tempérament. Il
faut lire ce livre-prologue, un peu comme un sommaire, donnant l’argument
de tous les autres ouvrages de la série.
L’étude scientifique s’y trouve d’abord. La méthode expérimentale est
appliquée avec précision et vigueur, pour la première fois, et comme pour
servir de patron. Elle est passée au microscope et radiographiée, cette
famille aux rejetons maladifs, choisie comme objet d’examen et d’analyse.
Déjà on les pressent, on les devine, on les voit presque tous apparaître,
ces névrosés, ces surexcités, ces haletants et ces dégénérés, dont
l’autopsie intellectuelle révélera les tares et les tumeurs. Dès ce
premier récit, on est initié aux désordres de l’organisme et à la
mentalité de ces passionnés, jouets aussi d’un rut moral, qui les fait se
lancer comme des fauves sur la proie, sur les jouissances physiques, sur
les brutales satisfactions, femmes, argent, pouvoir, alcool. On n’a plus
qu’à attendre à l’œuvre : Eugène Rougon, Saccard, Coupeau, Gervaise ou
Nana. On a l’intuition de ces ivresses hyperphysiques, comme la griserie
où se plonge l’abbé Mouret, aspirant à d’autres adorations que celles de
l’autel, sorte de Bovary mâle, étouffant, râlant et se rebellant, dans son
sanctuaire, comme la femme de l’officier de santé, dans son chef-lieu de
canton, où l’oxygène du désir se trouve raréfié.
Ainsi que dans plusieurs autres œuvres de Zola, où l’effort humain est
noté, pesé, enregistré, avec une exactitude mathématique, dans la Fortune
des Rougon se trouvent relevées les sommes de manœuvres et totalisées
les menées souterraines de Félicité, de Pierre et d’Eugène Rougon, pour
obtenir le produit final, pour
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