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son commerce, puis le temps d’arrêt dans la montée, la malchance, les faillites, dont on subit les contre-coups, les enfants qui surviennent et dont l’éducation coûte cher, toute cette lutte obscure et acharnée, qui dure trente ans, nous mènent jusqu’à la veille du coup d’État. Alors se dessine le caractère odieux du chef de la famille. Pierre Rougon est poussé par son fils Eugène, et par sa femme qui n’a qu’un rêve : avoir un salon comme celui du receveur particulier, un salon tendu de damas de soie, où le Tout-Plassans souhaitera d’être invité, une cour provinciale dont elle serait la reine. Il s’enhardit, il se révèle. Au milieu de l’affolement des bourgeois et des hobereaux, surpris par l’apparition des bandes de paysans soulevés, à la nouvelle du coup d’État, Pierre Rougon se faufile à la mairie, y simule une résistance qui s’appuie sur la trahison de Macquart, le chef prudent des téméraires insurgés. Finalement il sauve l’ordre, la famille, la religion, en petit, à Plassans, comme Louis-Napoléon, en grand, à Paris, en jonchant les rues de cadavres. La fortune des Rougon se trouve donc avoir, pour origine et pour complice, la fortune des hommes de décembre. Dans deux autres volumes, la Curée et Son Excellence Eugène Rougon, on retrouve, s’accomplissant parallèlement, la destinée des deux aventuriers, le Rougon expliquant et complétant le Bonaparte. La Fortune des Rougon, l’un des romans, de Zola, les moins connus, et dont le tirage est resté faible, est cependant un de ses livres méritant le plus d’être étudié. Il contient en germe tous les autres. C’est le gland d’où sortira le chêne, c’est une œuvre complexe où se retrouvent, comme en formation, embryons cérébraux, tous les éléments des produits qui naîtront successivement.