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c’était là un désir, une fiction, qu’aucune réalité probante n’accompagnait. Nul n’aurait pu deviner, alors, la candidature Hohenzollern pour le trône d’Espagne, ni les complications diplomatiques avec la Prusse, encore moins supposer la dépêche d’Ems falsifiée, suivie de la funeste et, pour ainsi dire, inévitable déclaration de guerre. En admettant qu’au moment où il finissait son premier chapitre, les événements se précipitant, Zola eût pressenti une conflagration, il n’aurait pu supposer le désastre si proche, ni si profond. Nos soldats de Crimée et d’Italie étaient réputés invincibles. Si l’on partait en guerre, on allait sûrement à la victoire, et l’empire s’en trouverait consolidé. Voilà l’hypothèse la plus probable, et c’était aussi la désirable issue d’un conflit où l’on s’engageait, non pas avec légèreté, mais animé d’espoir, nanti de confiance, et d’un cœur nullement alourdi par la crainte et les pressentiments fâcheux ; la regrettable expression échappée à Émile Ollivier, trop bon latiniste, mal comprise et impitoyablement commentée par la suite, ne signifiait pas autre chose. Les plans du romancier furent donc bouleversés, ou, tout au moins, resserrés, et l’action de ses personnages devint circonscrite. La fin de l’empire, c’était l’épilogue des Rougon-Macquart en 1870. À raison des événements, l’œuvre entreprise prit donc un caractère rétrospectif. On put même y voir un tardif réquisitoire contre des hommes et contre un régime, qui n’étaient plus des accusés, mais des condamnés. Se faire accusateur, après le verdict des faits, n’était ni dans l’intention de Zola, ni dans son projet ébauché. Sans l’effrondrement subit de la clef de voûte du système, sans la substitution d’un pouvoir nouveau aux gouvernants disparus, engloutis, le cadre de son œuvre se fût trouvé considérablement élargi.