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Le naturalisme s’efforça de ne pas être mondain. Il évita tout ce qui pouvait flatter l’afféterie féministe. En cela, il se priva d’un élément certain de succès. Ceci serait plutôt à son actif. Il faut être formidablement fort pour s’imposer comme romancier, en négligeant le plus gros du public liseur de romans, le public féminin. Avoir contre soi la mondaine, la fille et la petite bourgeoise disposant de loisirs, c’est, pour un auteur, diminuer de moitié sa clientèle. L’école nouvelle multiplia les tableaux crus, les scènes choquantes même, et dédaigna le plus souvent les mignardises amoureuses qui plaisent : « Arrière la romance et l’idylle ! » comme dit Bruant dans sa chanson montmartroise. Mais il y a autre chose, dans la voix humaine, que des hoquets et des gueulements, et les marlous ne sont pas toute la société. On affecta de montrer à la foule les sentiments bas, les appétits grossiers, les sensualités bestiales, les misères et les lamentables nécessités de l’espèce humaine. Capable de faire une statue belle, très belle même, statuaire adroit, de ses mains robustes modelant l’argile de la femme, le bon romancier naturaliste n’oublie jamais les parties qualifiées par M. Prudhomme de honteuses. Il commence même par là. On a dit plaisamment de Zola que, lorsqu’un de ses héros s’abandonnant à l’imagination, à la rêverie, à l’espérance, construisait des châteaux en Espagne, ce bâtisseur pratique, mais grossier, entamait l’édifice par les cabinets d’aisances. Il en faut, de ces endroits-là, même dans un château, surtout dans un château, mais, quand on visite le logis, c’est rarement la première pièce qu’on demande à voir. Zola et ses disciples ont rompu absolument avec le roman d’aventures, avec les récits mouvementés, les