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sans espoir de libération. La scholastique, et sa damnation irrévocable, revivraient sous les controverses scientifiques, avec la prédestination de l’homme au châtiment ou à la grâce. Il n’est pas de problème humain plus inquiétant que celui-là. La légende d’Adam serait-elle toujours l’histoire véridique des êtres, et le premier homme, châtié à perpétuité dans sa postérité, aurait-il transmis, comme l’enseigne l’Église, l’expiation de sa prétendue faute à l’immense théorie des générations se déroulant à travers les siècles, sans pouvoir échapper aux conséquences de l’hérédité ? La terre serait l’Enfer de Dante, et les damnés, en franchissant la porte de la vie, devraient, sur le seuil fatal, laisser toute espérance ? Seulement, l’origine de la damnation serait, non point le péché, mais la vie même. Ce serait épouvantable, et l’innocent réprouvé n’aurait même point le droit de maudire une divinité cruelle et injuste, ni de nier un dogme absurde et sauvage, puisque ce serait la vérité, et la science qui, sans avoir édicté la pénalité, en établiraient l’existence. Ce fatalisme n’est heureusement pas aussi absolu ; et l’évasion n’est pas impossible aux condamnés de l’atavisme. L’homme, grâce aux conditions meilleures de l’existence, à l’aide de soins appropriés, par les moyens curatifs que la science lui fournit, dans l’ordre physique, et par la culture intellectuelle, par l’enseignement reçu, par le travail et le bien-être acquis, par toutes les organisations de prévoyance et toutes les ressources d’éducation et d’instruction que la civilisation, le progrès moderne, et surtout les institutions démocratiques mettent à sa disposition, dans l’ordre psychologique, dans le domaine de l’intellect et de la conscience, peut se soustraire aux conséquences de l’hérédité.