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pour le lecteur indifférent, distrait, rebelle ou préoccupé, que ce procédé, dont j’userai, dont j’abuserai, en dépit des railleries de la pédantaille, plus ou moins lettrée, qui prétend découvrir une faute ou une négligence, là où il n’y a qu’un système et qu’un argument. Donc, je répète et j’insiste, parce que ceci a échappé aux thuriféraires grisés de l’encens qu’ils projetaient, aux stercoraires englués par la fange qu’ils maniaient, à tous ceux qui ont écrit pour, contre ou sur Zola : l’auteur des Rougon-Macquart est un puissant génie du Midi, donc créateur de types, et son cerveau méridional est tout à la synthèse. Il dédaigne les individualités et néglige les caractères. Il a le don suprême de faire surgir des êtres généraux incarnant l’universalité des êtres particuliers. C’est là que se trouve l’expression littéraire la plus forte de l’humanité. Aussi Zola, égal à ce qu’il y a de plus élevé dans l’art, car ce n’est que dans l’exécution, et non pas dans la conception, que l’art est la région des égaux, n’a-t-il pour concurrents à ce zénith des créateurs de l’ode, de l’épopée, du théâtre, que les Eschyles anonymes, que les Sophocles inconnus, qui engendrèrent les sublimes et immortels personnages de la Comédie Italienne. Pierrot, Cassandre, Arlequin, Colombine, le Capitan, Matamore, Polichinelle, Zerbinette, Isabelle, Léandre, Scaramouche, Pantalon, le docteur Bolonais, c’est toute l’humanité défilant sur des planches frustes, à la clarté des chandelles mal mouchées. Ces êtres immuables de la vie fictive personnifient les vices, les passions, les faiblesses, les enthousiasmes, les dévouements, les héroïsmes, les sacrifices et les martyres des autres personnages de la vie réelle, des acteurs éphémères de la scène du monde. C’est d’eux que descendent les héros de Zola.