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dans ces œuvres, où l’imagination a laissé peu de place à l’observation, et où le bizarre se combine avec l’invraisemblable, a plutôt servi de modèle à Montépin et à Gaboriau qu’à Zola et à Goncourt. Mais il est impossible de contester la filiation qui unit les romans d’étude et d’observation de Zola, de Goncourt, de Daudet, aux grandes œuvres de Balzac : la Cousine Bette, le Père Goriot, Eugénie Grandet, les Paysans, César Birotteau, le colonel Chabert, et tant d’autres miroirs vivants de l’humanité française au commencement du XIXe siècle. Pour Zola, dans l’intellect duquel un profond et surprenant changement se produisit, vers 1868, à l’époque où il conçut et écrivit Thérèse Raquin, il y eut certainement une autre influence. Il avait lu Balzac, bien auparavant, et il en était resté, au moins comme goût, comme genre littéraire, à Musset et à George Sand. Il eut la vision, presque soudaine, d’un autre concept littéraire que celui du romantisme, pour le sujet, le décor et la facture. La lecture de Stendhal, de Mérimée, fut pour beaucoup dans cette évolution, que précisa la fréquentation de Taine. Les études du minutieux critique sur la littérature anglaise, la netteté avec laquelle Charles Dickens et ses procédés étaient notés et mis en lumière durent agir fortement sur son cerveau. On a fréquemment cité Dickens, à l’occasion d’Alphonse Daudet. C’est surtout la sentimentalité de l’auteur de David Copperfield et ses tableaux attendrissants, la similitude de certains sujets aidant, qui ont vulgarisé cette comparaison. Mais les méthodes et les moyens d’exécution des deux romanciers sont susceptibles d’un rapprochement, moins apparent, plus réel au fond, lorsqu’on examine la façon dont « travaillent »