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public zoliste, l’Affaire, toujours Elle ! l’a dispersée, épouvantée. Il y a des milieux où l’on n’oserait plus ouvrir un roman de Zola. Cela passera, c’est certain, mais, au moins quant à présent, l’on peut dire que la popularité de l’auteur a subi un arrêt, et qu’il n’a pas encore bénéficié de la gloire sereine et quasi sur-terrestre de Victor Hugo. Combatif à l’excès, Zola aura été, de son vivant, excessivement combattu. Ses livres ont eu, pendant vingt-cinq ans, une vogue considérable, et ont beaucoup fait parler d’eux, de leurs personnages, de leur auteur. Mais il faut noter que quelques-uns se sont très peu vendus ; si l’on prend le débit commercial comme criterium de la renommée d’un écrivain, Zola a eu cette renommée intermittente et variable. Le public, qui achète, a paru faire tri, et établir une hiérarchie parmi ses divers romans. Ainsi, la Conquête de Plassans, l’œuvre, l’Argent, la Joie de vivre, le Rêve, Son Excellence Eugène Rougon et la Fortune des Rougon y sont toujours restés loin du magnifique total d’éditions obtenu par les autres ouvrages. C’est la Débâcle, qui tient la tête avec 218 mille exemplaires (en 1907). Nana vient ensuite avec 204 mille. L’avance que ces deux livres ont sur tous les autres, et même sur l’Assommoir (157 mille), peut s’expliquer par le sujet, pour Nana, par l’actualité et les polémiques, pour la Débâcle. La vente n’a toutefois pas grand rapport avec l’art ; la supériorité d’une œuvre ne tient pas au débit du papier ; le total des recettes ne saurait servir à un classement esthétique. Ces chiffres, précisant le goût du public, se modifieront probablement avec le temps. Il se produit, au cours des ans, de si profonds changements dans les appréciations littéraires. Il est à peu près certain que