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considérable de Zola au mouvement dreyfusiste, si ses attaques, ses procès, ses condamnations ont fait sonner son nom, là où il n’avait que tinté faiblement, si, dans les masses politiciennes, on l’a prononcé désormais avec respect, ce nom qu’on accompagnait plutôt, auparavant, d’épithètes irrévérencieuses et injustes, s’il a cessé d’être méconnu par un public hostile qui ne l’avait pas lu, et par ouï-dire le considérait comme un réactionnaire et un pornographe, sa gloire ne s’en est pas sensiblement accrue. Les liseurs populaires ne sont pas venus en aussi grand nombre qu’on aurait pu le supposer. Les livres de Zola sont trop forts, je ne dis pas trop beaux, mais trop lyriques, pour le peuple. Ils sont d’une facture qui dépasse la faculté lisante de la plupart des lecteurs de romans-feuilletons. Ils manquent de l’intérêt dramatique et du mouvement que recherche cette clientèle. La description l’assomme. Elle la saute le plus souvent. Le lecteur ordinaire veut de l’action, des faits, des scènes vives, des coups de théâtre, des personnages tout d’une pièce, expliqués en deux lignes, aux portraits enlevés en quatre traits. La poésie des romans de Zola est au-dessus de l’intellect du populo, et sa philosophie, sa philanthropie et sa doctrine de l’amour régénérant l’humanité, lui donnant le bonheur sur terre, est à côté de la mentalité des classes, plus habituées à agir qu’à réfléchir, et surtout qu’à rêver. Le lyrisme et le socialisme de Zola ne sauraient éveiller la passion chez les foules, et plus d’un de ces lecteurs provoqués par le tapage de l’affaire Dreyfus, laissant tomber le livre, avec un bâillement, aura considéré son auteur, dans les deux sens, au figuré et au propre, ainsi qu’un endormeur. Quant à la classe plus éduquée, dédaigneuse des vulgarités du roman d’aventures et d’intrigues, le vrai