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Vous voyez bien, Messieurs, que vous avez eu tort de jouer ma pièce, malgré moi ! » On ne joue aucun auteur malgré lui, et Zola, si intransigeant sur ses droits d’écrivain, moins que personne était homme à se laisser prendre, d’autorité, une œuvre. Sans son consentement, sans son désir, aucun directeur de théâtre ou éditeur n’eût osé mettre, sous les yeux du public, un roman ou une comédie qu’il eût estimés indignes de paraître. La vérité est qu’il supposait, sans croire avoir enfanté un chef d’œuvre, que Bouton de Rose était bien dans le cadre du Palais-Royal, et que le public accepterait cette pièce comme tant d’autres de même tonalité, sans y chercher midi à quatorze heures, riant et s’amusant, comme il sied à une farce un peu grosse. Il se doutait si peu de l’échec, qu’il m’avait bien recommandé, dans le compte rendu que je devais faire de la première, à sa place, pour le Bien Public, d’insister sur les plus énormes plaisanteries de la pièce, de les montrer conformes à l’esprit national, d’après les fabliaux et les contes qualifiés de gaulois, qu’Armand Silvestre commençait à remettre à la mode. Un petit détail prouvera combien il escomptait la victoire : un souper de trente couverts avait été par lui commandé chez Véfour, restaurateur voisin, sous le péristyle, en face du théâtre, le soir de la première, pour célébrer le succès nouveau, original et désiré de Zola, auteur comique ! Ce fut un souper de funérailles. Mais, avec sa robuste placidité, Zola parut indifférent et calme. Il supporta la douche sans broncher. C’était un four ? Eh ! bien ! soit ! après ? Il restait toujours l’homme qu’il était. Les presses de Charpentier attendaient, et un nouveau chef-d’œuvre était tout prêt pour boucher ces mâchoires hurlantes. Il ne maudit ni le parterre, ni la critique : il ne voulut, cependant, pas reconnaître qu’il s’était fourvoyé.