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toujours un peu les allures d’officiants. Maison très digne, toutefois, et non boutique de journalisme. J’y suis resté dix ans, donnant un article quotidien (signé Grif, du nom d’un des personnages de Tragaldabas, pseudonyme indiqué par Auguste Vacquerie), et je n’ai conservé que le plus excellent souvenir de mes relations avec les deux directeurs, avec les collaborateurs. C’était une famille, ce bureau de rédaction : le foyer Hugo. Les polémiques violentes, les personnalités mises en cause, les scandaleuses publications y étaient non seulement interdites, mais ignorées. Le Rappel, organe probe, sincère, absolument indépendant, était largement ouvert aux républicains de diverses nuances. Des socialistes comme Louis Blanc y écrivaient à côté de publicistes bourgeois comme A. Gautier, mais ses portes se refermaient sur tout dissident de la religion hugolâtre. Sur ce point-là seulement, le Rappel était exclusif, et un peu sectaire. La tiédeur n’était pas même tolérée, et il était interdit de manier l’encensoir en l’honneur de toute divinité étrangère. Ce fut ainsi que le premier article de Zola, où il était parlé élogieusement de Duranty, se trouva accueilli avec froideur par les familiers du salon Meurice. Que venait faire la louange de ce romancier obscur, dans un journal consacré à la gloire du Maître ? Ce Duranty était sans grande importance, assurément, pensaient les prêtres du culte surpris par cette litanie peu orthodoxe, et son Malheur d’Henriette Gérard ne pouvait porter ombrage au rayonnement de l’Homme qui rit, dont le Rappel commençait la publication, mais c’était quand même une fâcheuse tendance à relever chez ce jeune critique. À quoi songeait-il donc ? Il oubliait qu’Hugo était seul dieu, et que tout rédacteur du Rappel ne devait être que