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jeunes gens sont les urnes de Danaïdes. Il philosophait par ouï-dire. Nous avons tous passé par ce chemin frayé. Il trouvait parfois, dans cette analyse, d’après les alambics et les cornues d’autrui, de fort curieux précipités et des cristaux imités, pouvant être pris pour des originaux. Ainsi, il reconnaît que les collégiens, jouant aux fanfarons du vice, se posant en blasés, en desséchés, rougiraient de confesser une passion pure, éthérée, véritable, « De même qu’en religion un jeune homme n’avoue jamais qu’il prie, en fait d’amour un jeune homme n’avoue jamais qu’il aime. » Il proclame aussi, ce qui est très certain, que chacun aime à sa manière, que l’on peut aimer sans faire de vers, sans aller se promener au clair de lune, et que le berger peut adorer sa bergère, à sa façon. Il a des idées très hautes de la femme et de l’amour, à cette époque. « Une tâche grande et belle, une tâche que Michelet a entreprise, une tâche, dit-il encore, que j’ose parfois envisager, est de faire revenir l’homme à la femme. » Il blâme, avec une austérité qui peut surprendre, mais qui avait des racines profondes dans sa conscience, dans son tempérament, la vie polygamique de la plupart des jeunes gens. Il affirme que, dans l’amour, le corps et l’âme sont intimement liés et que, sans ce mélange, le véritable amour ne saurait exister. Il soutient justement, peut-être avait-il lu Schopenhauer, qu’on a beau vouloir aimer avec l’esprit, il viendra un moment où il faudra aimer avec le corps. Mais il considère la vie galante comme excluant l’amour. « La jeune fille, dit-il, qui te cède, le second jour, ne peut aimer avec l’âme. » Ceci est juste en principe, mais, si Zola eût vécu davantage, et observé plus d’unions, quand il formulait cet arrêt, il