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Si on me demandait si je reconnais Jésus-Christ comme Dieu, je l’avoue, j’hésiterais à répondre. Jésus est plutôt, pour moi, un législateur sublime, un divin moraliste… Par la suite, cette religiosité sentimentale, ce mystique élan vers une divinité créatrice et providentielle, s’atténuèrent, sans disparaître complètement. Les lectures scientifiques et l’observation de la vie firent, cependant, succéder assez rapidement leur influence aux préoccupations poétiques, et à l’opinion toute faite, non démontrée ni étudiée, puisée dans ses livres et ses relations d’alors, sur l’existence d’une divinité mêlée aux choses de la terre, d’une providence vigilante, et d’une âme pourvue d’une existence inexplicable, en dehors du corps, des organes de la vie même. La foi artificielle et le travail poétique des années de jeunesse n’eurent point, par la suite, grande importance pour Zola. Ces lyriques divagations ne laissèrent nulle mysticité dans son esprit ; elles ne déposèrent point un résidu tenace de tendances religiosâtres dans sa conscience. Elles ne contribuèrent en rien à sa fortune littéraire, à son succès. Le poète, resté longtemps ignoré, n’existe pour ainsi dire pas pour le public. Une large trace de ce labeur des années d’apprentissage se retrouve, pourtant, comme un germe englouti, dans les œuvres de la maturité. De grands sillons poétiques s’allongent dans son magnifique champ de prose, et surgissent tout à coup à fleur d’œuvre réaliste. S’il n’avait connu les exaltations de Rodolpho, de l’Aérienne, de Paolo, s’il n’avait pas cherché à rendre, dans la langue mesurée des aspirations idéales, ses enthousiasmes, ses rêveries de l’âge printanier, s’il ne s’était pas livré à l’exercice difficile, mais profitable, de la versification, peut-être n’aurions-nous pas à admirer