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ŒUVRES xMO RALE s. 73 mouvant, comme nous avons dit, et en l’agitant continuellement, forme avec cette matière d’in- nombrables créatures, c’est-à-dire la modifie de mille façons variées. Ces créatures, si on les prend dans leur ensemble, et si on les considère comme distribuées en certains genres et en certaines es- pèces, et comme réunies entre elles par certaines relations qui proviennent de leur nature, s’appellent le monde. Mais, comme cette force ne s’abstient jamais d’agir et de modifier la matière, les créatures qu’elle forme continuellement , elle les détruit d’autre part, et forme de nouvelles créatures avec leur matière. Tant que, malgré la destruction des individus, les genres et les espèces se maintiennent presque intégralement, tant que l’ordre et les rela- tions naturelles des choses ne changent pas sensi- blement, on dit que ce monde-ci dure encore. Mais des mondes infinis pendant l’espace infini de l’éter- nité, après avoir duré plus ou moins longtemps, ont fini par disparaître : les continuelles révolutions de la matière, causées par la force susdite, ont amené la perte de ces genres et de ces espèces dont ces mondes se composaient et fait disparaître ces relations et cet ordre qui les gouvernaient. Cepen- dant, aucune parcelle de la matière n’a été dé- truite : ce qui a péri, c’est telle ou telle de ces manières d’être : car à chaque manière d’être suc- cède aussitôt une autre manière d’être, c’est-à-dire un autre monde, et ainsi de suite.