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72 ŒUVRES MORALES, mais on ne découvre aucun signe de caducité ni de mortalité dans la matière en général, et, par suite, aucun signe qu’elle ait commencé ni qu’elle ait eu ou qu’elle ait besoin pour être d’aucune cause, d’aucune force extérieure à elle. Le monde, c’est- à-dire la manière d’être de la matière, a commencé et est chose caduque. Nous parlerons tout à l’heure de l’origine du monde. La matière en général, comme en particulier les plantes et les créatures animées, a naturellement en elle une ou plusieurs forces qui l’agitent et la meuvent dans les sens les plus différents. Ces forces, nous pouvons les conjecturer et même les dénommer d’après leurs effets, mais non les con- naître en elles-mêmes, ni en découvrir la nature. Nous ne pouvons pas davantage savoir si ces effets, qui pour nous se rapportent à une même force, procèdent réellement d’une seule force ou de plu- sieurs, et si au contraire ces forces, que nous dé- signons par différents noms , sont véritablement plusieurs forces ou seulement une même force. C’est ainsi que chaque jour, dans l’homme, on donne divers noms à une seule passion ou à une seule force : par exemple, l’ambition, l’amour du plaisir, etc., sources dont dérivent des effets, tantôt simplement divers, tantôt même contradictoires, sont en fait une même passion, c’est-à-dire l’amour de soi, qui opère différemment dans différents cas. Ces forces, ou plutôt cette force de la matière, en la